Cette année, SEW fête ses 85 ans. L’entreprise est aujourd’hui connue dans le monde entier pour ses techniques d’entraînement.
Tout a à voir avec une vision de l’industrie et ses évolutions.
Rien d’étonnant dès lors à ce que Johann Soder, directeur opérationnel et responsable R&D de SEW, participe au forum de la Foire de Hanovre et donne sa vision sur Industrie 4.0, la directive de l’avenir de l’industrie européenne, et la métamorphose de SEW. Nous l’avons interrogé à propos d’Industrie 4.0 et des conséquences pour SEW.
En 2011, le gouvernement fédéral allemand lançait son projet Industrie 4.0 pour aider l’industrie à se positionner dans une dimension supérieure de l’efficience, afin de rester mondialement compétitive dans l’avenir. Les propositions envoyées par les professeurs et l’industrie dans le monde étaient révolutionnaires. Pensez à ‘the internet of things’ : des machines mobiles, intelligentes et autonomes, capables de communiquer entre elles et avec l’homme via des structures réseautées, pour travailler mieux et plus efficacement. De la pure science-fiction.
Si on s’arrête sur ce que M. Soder a dit à la Foire de Hanovre, on peut dire qu’un volet important de cette science-fiction est aujourd’hui une réalité disponible.
Prôner Industrie 4.0, c’est s’inscrire dans la tendance vers une numérisation croissante des produits, des machines de production, des services, … qui va de pair avec une numérisation poussée de l’interconnexion entre les produits, les chaînes de valeur des produits (value chains) et la politique d’entreprise (business model). Mais cela ne signifie pas pour autant une révolution dans les entreprises. C’est irréaliste. Industrie 4.0 doit s’adapter aux évolutions existantes et faire usage de l’expérience issue des technologies de base connues et de l’exploitation de l’entreprise. Pensez au CIM (computer integrated manufacturing) et au lean. Parallèlement à cela, la voie Industrie 4.0 doit fournir de nouveaux objectifs économiques, elle doit conduire à une meilleure différentiation des entreprises au sein d’une compétition mondiale.
Du pilotage de mouvements à la génération de flux de production
SEW a fait son devoir concernant Industrie 4.0. Cette entreprise électromécanique – un fabricant de moteurs et de motoréducteurs – a évolué pour devenir une entreprise électronico-électromécanique (motoréducteurs, commandes moteurs électroniques, systèmes de commandes).
Ses produits ont généré des ‘mouvements’ dans les entreprises : des convoyeurs à rouleaux, des systèmes de convoyeurs à bandes, le fonctionnement des machines, … SEW a aussi travaillé au développement de nouvelles technologies dans son domaine de connaissances. On peut notamment citer le transfert d’énergie par induction, le stockage rapide d’énergie et la maîtrise de l’énergie (pics) avec des supercapacités. L’étape suivante – aux yeux de la direction de SEW – qui cadre avec le modèle Industrie 4.0, est la métamorphose du ‘fournisseur de composants pour l’entraînement de mouvements’ en un ‘fournisseur de mouvements intelligents et mobiles au sein d’un assemblage de séries ‘one-product’.
A cet effet, SEW a développé des nouveaux composants de base stratégiques. On peut reciter ici la transmission d’énergie sans contact et le stockage d’énergie hybride, mais aussi une technologie de ‘functional safety in motion’ et... un grand nombre de logiciels. Tout ceci a résulté en un ‘système d’assistance mobile’ qui doit moderniser la logistique de l’assemblage de séries ‘one-product’ de manière drastique.
Equipez vos assembleurs d’un assistant mobile
Aujourd’hui, les entreprises – et les particuliers – ne veulent plus acheter de produits en série. Elles veulent une version qui soit personnalisée avec des possibilités, des options, … Ceci demande un assemblage flexible qui doit systématiquement être adapté à la production de la version spécifique d’un client. SEW fabrique des motoréducteurs, et le client a le choix parmi 20.000.000 versions différentes grâce à un configurateur. Une conséquence est qu’il faut prévoir dans la cellule d’assemblage de nombreux composants de base dans de nombreuses versions. Ou celles-ci – comme dans certaines versions de kanban – doivent pouvoir être amenées par produit. C’est faisable pour les produits plus grands car la présence de tous les composants pour une grande gamme de versions de produits est plus idéale que pour les produits plus petits.
Comment maîtriser cette variété ? C’est la tâche du CIM, computer integrated manufacturing. Les nombreuses variantes signifient aussi une vaste cellule d’assemblage. Bien souvent, ce problème d’assemblage est résolu en plaçant un certain nombre de postes de travail les uns derrière les autres. Le produit doit systématiquement passer d’un poste à l’autre. Dans un système rigide, il faut respecter l’ordre des postes de travail, alors que pour une variante de pièces, il faut peut-être d’abord passer par le premier, puis le troisième, le deuxième et le quatrième poste de travail. Une grande distance à parcourir donc, certainement si le produit est fabriqué en un point central, de manière rigide. Et si certains outils sont nécessaires, il faut alors trimbaler les pièces, les outils, voire la plateforme sur laquelle le produit est posé. Tout ceci ne cadre plus avec le concept ‘lean thinking’.
Le concept ‘mobile assistent system’ de SEW revisite le concept lean dans ce type d’assemblage via des plateformes d’assistance mobiles et autonomes. Celles-ci soutiennent les opérateurs à l’assemblage dans leurs tâches et les rendent plus ergonomiques et plus efficientes. Ces plateformes aident à produire des variantes comme s’il s’agissait d’un produit de série. La version de base d’un ‘assistant mobile’ est une plateforme d’assemblage ergonomique : mobile, réglable en hauteur, avec d’éventuels systèmes à bascule, …, et équipée d’un écran qui donne l’information utile à l’opérateur sur le modèle à produire, l’ordre d’assemblage, les pièces à prélever… L’assembleur et son assistant mobile ‘suiveur’ se déplacent dans le poste de travail le long du stockage des composants où, via son écran d’instructions et des techniques comme le picking-to-light, il prélève systématiquement les bons composants et fabrique le produit sur la plateforme selon les spécifications indiquées. A la fin de la cellule d’assemblage, le produit fabriqué est un ‘custom-made product’.
Outre la version de base, d’autres ‘assistants mobiles’ peuvent être activés : un robot mobile pour une aide à la manipulation, un outil auxiliaire, … Comme l’énergie provient de l’induction et – si le fil à induction est abandonné ou s’il faut plus d’énergie pour une manipulation – de (très petites et très légères) supercaps intégrées, on peut laisser bouger les plateformes entre elles, quand on le veut (lorsque l’opérateur est prêt à son poste, donc pas de tact time fixe pour toute la chaîne), l’’assistant’ le plus proche et le plus adapté à une variante étant activé.
Une nouvelle technologie née d’une nouvelle réflexion
Revenons un instant aux ‘automated vehicles’. Il ne s’agit pas d’AGV (automated guided vehicle) mais d’un ’assistant mobile’ qui nécessite une mécanique adaptée : une plateforme compacte (sans batterie au plomb lourde), alimentée par induction et, pour les mouvements autonomes, par des supercaps. Les mouvements sont générés par des motoréducteurs compacts, les mouvements verticaux via la technologie à broche… La sécurité doit être garantie par la ‘functional safety on board’, l’identification des objets (RFID pour le tracking & tracing de produits en production), le contrôleur movi et les systèmes de navigation…
A côté des hardware (qui peuvent être achetés chez les intégrateurs en tant que ‘produits autonomes’, le système d’assistance mobile nécessite de nombreux nouveaux composants logiciels. Comme il s’agit là d’un ‘business stratégique’ de SEW, tout a été développé en interne. La division R&D, riche de 500 personnes, a été étoffée avec une équipe de développeurs de logiciels. Ceux-ci ont développé les contrôleurs utiles avec tracking & navigation pour les systèmes d’assistance mobiles, un Logistics Coordinator (où le superviseur peut suivre en temps réel aussi bien l’efficience des plateformes mobiles que le travail d’assemblage). Parallèlement à cela, il y a un pack de composants de support numériques comme les logiciels de gestion et de simulation pour le design des ‘systèmes d’assistance mobiles’ ainsi que les ‘aides intelligentes et logistiques au travail’ chez les clients.
Business not as usual
Aujourd’hui, SEW est prêt à se positionner sur le marché en tant que ‘solution provider for logistics 4.0’. Son portefeuille a été converti aux nouvelles exigences d’Industrie 4.0 de ses clients, et le business model doit s’adapter pour aider les clients à prévoir ces systèmes dans et hors de leur production (alimentation et évacuation des matières premières, fabrication de produits, conditionnement, enlèvement des produits finis, stockage, …).
Mais – contrairement au business de jadis – cela va plus loin que ‘pousser les produits sur le marché’. Des étapes similaires doivent encore être franchies, comme conseiller les clients quant à la meilleure solution. Avant, il s’agissait de les aider à créer un mouvement ‘local’ le plus efficient possible, dans des machines et des systèmes. Aujourd’hui, c’est bien plus vaste et l’objectif est de réaliser des flux de marchandises et de production optimaux dans l’entreprise. Le business consiste à livrer – sur base du support clients – les bons composants (dans les systèmes futurs) et d’aider les clients lors de l’intégration des outils dans la solution. Et comme par le passé : veiller à la maintenance mais désormais via des techniques numériques de dépannage prédictif.
Cette ‘extension du business’ – et cette évolution de ‘composants pour le mouvement (d’équipements)’ vers des ‘systèmes pour le mouvement (de marchandises)’ – nécessite un ajustement approprié du business model. SEW se réfère ici à une ‘évolution commune avec le client’ : pas de ‘vente’ (hit and run) mais du ‘leasing’, pas classique (étalement du paiement) mais un ‘leasing évolutif’, où le client reçoit des systèmes en permanence qui répondent à des besoins de transport logistique au sein de son entreprise. Fournir, reprendre, adapter,…, cadrent donc avec ce nouveau business model.
The proof of the pudding is in the eating
Voilà un beau modèle théorique. Mais quelles sont les exigences que pose réellement l’assemblage en série ‘one-product’ ? Qu’en est-il du logiciel et à quel point le système et le logiciel sont-ils fiables ? La R&D a fait de son mieux mais Johann Soder est aussi responsable de la production et avait donc un centre d’essais directement sous la main. Le système global a été construit à l’usine des motoréducteurs de Graben-Neudorf, une usine CIM qui a reçu plus de flexibilité.
L’alimentation des composants selon le système kanban a encore lieu via les AGV’s classiques (bien qu’il y ait des idées pour les remplacer par des ‘assistants logistiques’ adaptés), mais la logistique interne et le support à l’assemblage ont lieu avec un ‘système d’assistance mobile’. Dans les cellules d’assemblage, il y a un écran qui affiche la liste des commandes et des chariots ‘librement’ appelables par les opérateurs, lesquels sont couplés à un ordre par RFID, pilotés par picking-to-light depuis le chariot, avec une instruction papier ou, pour les plus récents, une tablette-PC pour le pilotage de l’opérateur…
Et – très important étant donné que les opérateurs ne reçoivent pas de délai fixe pour leurs étapes d’assemblage – avec un cockpit de supervision qui surveille l’avancement de l’assemblage par cellule en temps réel. Celui-ci peut décider d’augmenter le nombre de personnes par cellule ou au contraire d’en enlever selon la charge de travail et la complexité des variantes et de la liste des commandes. Dans les cellules d’assemblage, les opérateurs peuvent choisir d’effectuer l’assemblage total par produit ou seulement une partie, et se transmettent alors l’assistant mobile du produit. Le parcours ‘libre’ des plateformes d’assemblage permet de réaliser parfaitement cela.